[CRITIQUE] The Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur : the things we do for love

L’un des blockbusters de cette fin d’année 2023, The Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, marque le retour dans nos salles d’un univers ayant régné en maître du genre dystopique lors de la dernière décennie. Francis Lawrence, réalisateur des trois derniers volets de la saga, revient au volant de ce prequel très attendu parmi les fans et mettant en scène Tom Blyth et Rachel Zegler dans l’origin story du grand antagoniste Coriolanus Snow. Se déroulant soixante ans avant les premiers jeux de Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence), le film met au premier plan le jeune Coriolanus. Issu d’une famille ruinée et rescapé du siège du Capitole et de la révolte des districts, il devient mentor de Lucy Gray Baird, tribut du district 12 lors des dixièmes Hunger Games.

Il y a quelque chose de terriblement glaçant dans l’évolution de Snow, jeune homme ébranlé par la guerre de son enfance mais paradoxalement incapable d’évoluer en dehors de son traumatisme ou de reconnaître celui d’autrui. Snow présente le culot classique de ceux qui sont privilégiés dans une balance injuste, épris à la folie de contrôle et détruisant tout ce qui menace de lui échapper entre les doigts.

Au fil des évènements, Coriolanus devient l’incarnation même du régime que l’on retrouve dans la saga principale, assumant le pire de chacun·e et ce faisant, rendant impossible l’espoir du meilleur. On ne nous montre ici que l’embryon du parfait dictateur, s’entourant des remparts de l’inconnu et de la haine pour creuser l’écart entre lui-même et celleux qu’il ne considère même plus comme humain·e·s. “Il est district. Ils sont tous sauvages.”, dira-t-il à propos de son propre camarade de classe, Sejanus, originaire du district 2.

Francis Lawrence nous laisse entrevoir durant les premières minutes de film la propre tragédie de Snow et de son passé avant de nous ramener à ce qu’il devient : l’oppresseur, simplement pour ne plus être l’oppressé. La caméra représente assez bien cela, et donne sans cesse corps à l’opposition inhérente aux personnages de Corionalus et Lucy Gray, leurs aspirations primaires étant totalement contradictoires ; le contrôle pour l’un, la liberté pour l’autre. Lawrence magnifie constamment les apparitions de Snow à l’académie du Capitole, lui conférant une aura irrésistible parmi ses camarades. À l’opposé, la caméra reste collée au visage de Lucy Gray, l’étouffant de plus en plus jusqu’à finalement la libérer dans les plans larges des contrées sauvages du district 12.

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Les visuels du film sont également très réussis, représentant tour à tour la nouvelle opulence du Capitole et la froideur quasi-soviétique des districts. Il est fascinant de voir le début des Hunger Games, leur amateurisme et manque d’organisation appuyés par l’esthétique rétro-futuriste, étant bien éloigné du spectacle macabre des jeux de Katniss. L’horreur des Hunger Games résonne peut-être encore plus fort ici que dans la saga originelle grâce au casting des tributs et des mentors, opposant entre eux des enfants qui subissent tous·tes les conséquences d’un héritage sanglant. Le cycle de répétition des élites est mis en avant par les camarades de classe de Snow et le film précise également sa pensée avec le personnage de Tigris, ayant elle-même subit d’innombrables traumatismes durant la guerre mais ne perdant jamais de vue l’humanité de celleux désigné·e·s comme boucs émissaires. Dans ce rôle qui s’affiche comme dernier rempart de l’empathie de Coriolanus, Hunter Schafer excelle, même s’il est dommage que Tigris ne soit pas aussi présente que dans le livre.

On peut reprocher au film quelques écailles au niveau du rythme ; le livre étant assez dense et le long-métrage condensé, on se retrouve avec un récit qui laisse peu de place à ses scènes importantes pour être digérées ou trouver la force de leur impact. Cette vitesse est regrettable, certains passages étant sur le papier terriblement marquants et forts de sens.

Néanmoins, la plus grande force du film réside dans ses interprètes, tous·tes rivalisant de charisme et de nuance. Tom Blyth est particulièrement prenant en Coriolanus Snow et parvient à rendre ce personnage, détestable sous toutes ses coutures et résolument mauvais, presque pathétique dans sa quête du pouvoir. Blyth trouve une balance remarquable entre le jeune âge et la naïveté de Snow et son propre pouvoir d’autodétermination qui se précise de manière fatale dans toutes ses actions. Rachel Zegler confirme son statut de star et enchante l’écran en Lucy Gray, trouvant également la nuance dans la tragédie de cette jeune femme performeuse que l’on force à devenir tueuse. On notera aussi des seconds rôles terriblement solides, de l’humour sinistre de Jason Schwartzman au mal rampant du personnage de Viola Davis, avec au passage une très bonne surprise de Josh Andrés Rivera, jeune premier de West Side Story.

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The Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur rappelle les grandes heures de la saga. Bien que n’atteignant pas tout à fait les sommets du deuxième volet, le film retrace de manière fascinante la naissance de Snow tel qu’on le retrouvera soixante ans plus tard face à Katniss. Francis Lawrence crée le parallèle entre le jeune Coriolanus et Lucy Gray, tous·tes deux victimes des erreurs du passé mais choisissant des chemins drastiquement différents. Les fans de la première heure pourront se réjouir des quelques références qui peuplent le film (un certain lac, une certaine avenue, une certaine chanson) et l’audience nouvelle à la saga y trouvera assurément une excellente porte d’entrée.

The Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur réalisé par Francis Lawrence, écrit par Michel Arndt et Michae Lesslie d’après le livre de Suzanne Collins. Avec Tom Blyth, Rachel Zegler, Peter Dinklage. 2h38

Sorti le 15 novembre 2023

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