Un métier sérieux

[CRITIQUE] Un métier Sérieux : Bis repetita

La filmographie de Thomas Lilti a comme point commun cette idée d’observer un système et en faire un état des lieux. Hippocrate et ses internes en urgence, Première année sur les concours en médecine et ici le monde de l’éducation nationale. Sans nul doute, ce métier sérieux est celui de professeur en région parisienne, un métier représenté par une bien belle troupe d’acteurs fidèle au réalisateur. Nous retrouvons Vincent Lacoste, Adèle Exarchopoulos, François Cluzet, Louise Bourgoin et bien d’autres. Un projet intéressant, celui de vouloir fabriquer un film choral rassemblant plein d’histoires qui se croisent et s’effacent au sein d’un même établissement. Nous nous souvenons de Je verrai toujours vos visage qui essaie également d’inscrire dans les récits de ses personnages un semblant d’équité. À nouveau, Thomas Lilti confirme son affection pour Vincent Lacoste, personnage central de Un métier sérieux. Il y joue un jeune prof remplaçant contractuel qui fait face à la réalité du monde professoral.

Le film est en quelque sorte une célébration de ce métier dans un système en déliquescence. Son ouverture est présentée à travers des images d’archive, où l’on comprend une ambition, celle de donner à ce collège et ses professeurs une note d’universalité. On ne filme pas un collège en difficulté, ni un collège d’élite, mais une école plutôt banale. Le long-métrage élude l’idée de faire du sensationnel ou du drame dans l’évolution de ses personnages. L’ambition de réel passe par l’identification du spectateur. On se souvient et on se rend compte qu’il n’y a pas plus universel que l’école, et que nos souvenirs sont communs. Un métier Sérieux délivre toutes les aspérités du boulot d’enseignant. Il n’y a pas de plus éloquent que de prendre comme personnage central un professeur remplaçant contractuel. On nous montre un jeune homme encore perdu dans ses projets de vie qui après avoir arrêté ses études en médecine épouse le métier de professeur de mathématiques comme s’il était question d’un vulgaire travail alimentaire. Nous qui voyons le métier d’enseignant comme une vocation, l’affaire d’une vie, appréhendons difficilement le fait qu’un professeur fasse ses cours à l’aide de Youtube. Le personnage de Vincent Lacoste se mêle avec tous types d’enseignants, des plus expérimentés aux nouvelles têtes.

On sent que la série Hippocrate est passée par les sillons de l’écriture de Thomas Lilti qui semble ne plus se passer d’un récit multiple et sériel : son film pourrait être interchangeable avec un épisode de série, ce qui en cause son principal défaut. L’impression de vouloir raconter une multitude d’histoires avec une multitude de personnages se ressent car le cinéma le rappelle à l’ordre et l’oblige à passer à la trappe protagonistes et intrigues intéressants. Comme celle par exemple de Sophie (Lucie Zhang), jeune professeure qui n’arrive pas à tenir sa classe. Les saisons passent, les histoires aussi, les romances entre autres semblent tomber sec sans prévenir. Des sous-intrigues manquent de justesse, comme celle où Sandrine ( Louise Bourgouin) ne parvient plus communiquer avec son fils violent, en miroir de sa difficulté à communiquer avec ses élèves. Dans ce trop-plein, certaines intrigues sont réduites à de grosses ficelles alors que d’autres se voient plus élaborées. L’élaboration d’un conseil de discipline et de ce que ça implique est le point névralgique du film et arrive sans problème à avoir son public. On y découvre toute la fragilité de ses enseignants qui parfois doivent subir un système beaucoup trop lourd pour eux.

Un métier sérieux
© Les Films du Parc – Denis Manin

La mise en scène de Lilti est touchante dans sa manière de capturer ce groupe de prof. Il y appuie cette proximité très vite amicale dans le corps enseignant. Quand Pierre (François Cluzet) raccompagne ses collègues à la gare, il est touchant de voir leur complicité se libérer. Serrés dans la voiture, Pierre raconte des anecdotes, ils se taquinent. Le réalisateur montre qu’il saisit son sujet quand il rappelle également à travers la mise en scène à quel point il est difficile de faire la part des choses entre école et vie privée : la correction des devoirs en groupe,l’amitié entre les professeurs qui ne cessent de parler de leur classe. Le point le plus fort est celui du logement de fonction du prof d’anglais qui a vue sur l’école. Il y a quelque chose de dangereux dans cette peur de quitter un système.

Un métier sérieux est une jolie incursion dans le monde professoral où nous sommes invités à vivre une tranche de vie avec un casting de haut niveau. Il n’en restera qu’un moment agréable, où nous aimons ces personnages, savoir avoir le sentiment de s’impliquer émotionnellement. Malgré la passion de son réalisateur concernant ce sujet, il nous est difficile de voir plus maîtrisé qu’Hippocrate.

Un métier Sérieux, écrit et réalisé par Thomas Lilti.Avec Vincent Lacoste, Adèle Exarchopoulos, François Cluzet… 1h41
Sorti le 13 septembre 2023

0 Commentaire

Laisser un commentaire

En savoir plus sur On se fait un ciné

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading