L’équipe du site soutient les prises de paroles qui ont actuellement lieu un peu partout dans le monde pour s’opposer aux violences commises contre la communauté noire. Le mouvement Black Lives Matter compte plus que jamais et nous avons donc décidé de lancer un nouveau cycle thématique. Pour l’inaugurer, nous avons décidé de republier notre critique de Blindspotting, découvert à Deauville et qui n’a malheureusement pas eu le succès escompté.
Blindspotting avait déjà fait son petit effet à Sundance et l’exploit fût réitéré à Deauville où le film était présenté en compétition. Carlos Lopez Estrada s’inscrit tranquillement parmi les réalisateurs sur lesquels il faudra compter à l’avenir. Univers singulier rétro/pop/comique/engagé, Blindspotting est une très belle révélation. Après avoir purgé une peine de deux mois pour avoir cramé un hipster dans une boîte de nuit pour laquelle il travaillait, Collin se voit en liberté conditionnelle pendant un an. À trois jours de la fin, il est témoin d’une bavure policière qui ne peut le laisser indifférent. Commence alors une lente descente aux enfers avant que le jeune homme ne prenne conscience de la société dans laquelle il baigne et choisisse un nouveau départ.

On peut clairement dire que Blindspotting est le bébé de Rafael Casal et David Diggs. Co-scénaristes, producteurs et acteurs principaux, leur nom est partout. Et là où Monsters and Men – également en compétition – rate le coche, Blindspotting s’illustre avec brio dans l’évocation des bavures policières, notamment celles commises contre les noirs à travers le personnage singulier de Collin. Bien décidé à respecter sa conditionnelle, revenir dans le droit chemin et possiblement reconquérir son ex petite-amie, ce dernier gagne honnêtement sa vie en travaillant comme déménageur avec son meilleur ami Miles qui s’avère avoir une mauvaise influence. Et si ce sujet a pu être rabâché déjà de nombreuses fois dans des films plus ou moins récents, Blindspotting frappe très fort dans sa mise en scène travaillée. Virant de temps en temps au trip psychédélique – le rêve que Collin fait après avoir assisté à la bavure est exceptionnel – en passant par un sens de la mise-en-scène minutieuse rappelant de temps à autre le cinéma de Wes Anderson – rien que ça -, le rythme est là du début à la fin en jouant autant sur la comédie avec de vrais moments loufoques – la scène des flingues dans un Uber sorti tout droit d’un Fast & Furious sous LSD – que sur le drame avec des passages bouleversants. Les mots plutôt que la violence serait le credo de ce film, d’ailleurs les acteurs principaux qui sont également rappeurs n’hésitent pas à montrer toute l’étendue de leur talent. Le monologue final de Collin est d’une intensité et d’une intelligence rare.
Proposition aussi culottée sur la forme que sur le fond, Blindspotting est une jolie pépite à l’univers bien singulier, navigant dans les genres pour mieux dénoncer avec une énergie contagieuse. Un vrai petit bijou punchy comme le ciné indé a besoin, et qui par ses dénonciations s’inclue parfaitement dans notre thématique. Un écho que l’on aimerait malheureusement vain tant le problème, abordé par tant de monde, aurait pu être réglé, mais qui rend honneur à ces cinéastes contestataires de tous temps, dont Carlos Lopez Estrada fait définitivement partie.
Blindspotting de Carlos Lopez Estrada. Avec Rafael Casal, David Diggs, Janina Gavankar… 1h35
Sortie le 3 octobre 2018.
[…] ans, Carlos Lopez Estrada faisait trembler les planches de Deauville avec son premier long-métrage Blindspotting. Un petit bijou pop engagé et enragé à l’univers singulier mais au message universel. Que […]