À l’heure où la montée des extrêmes atteint une nouvelle apogée bien trop importante, le cinéma est là pour s’approprier le sujet et en parler avec la pertinence aléatoire qu’on lui connaît. On consomme cette thématique dangereuse de toutes les manières, pour le meilleur et pour le pire : Spike Lee qui oublie d’ajouter le soupçon de gravité nécessaire pour que son Blackkklansman fonctionne ; Daniel Ragussis qui, au contraire, conserve trop de sérieux au point d’en rendre son Imperium imbuvable, parler des suprémacistes est un exercice délicat. Guy Nattiv, avec un angle radicalement différent, compte changer la donne.
L’angle, c’est celui de l’exfiltration. Contrairement aux autres films nous racontant l’arrivée dans le milieu d’un élément extérieur, que ce soit pour rallier les rangs comme pour les infiltrer, nous suivons ici un membre actif de la communauté, Babs, qui après avoir atteint le point de non-retour, commence à chercher des moyens de sortir de son cercle vicieux. Son parcours est mis en parallèle avec celui de Gavin, jeune homme perdu qui se fait récupérer par les pontes du groupe, et entame son ascension vers la violence. Ces deux destins communicants ont pour but de montrer les manières d’endoctrinement de ces cercles malsains, qui peuvent être apparentés sans détour au fonctionnement des sectes. Il y est cité la notion d’appartenance, de dépendance même, le côté familial qui nous fait nous sentir important·e, et crée une aura cercle, quels qu’en soient ses tenants, qui la rend totalement indispensable.
L’obstacle principal de Babs est ce sentiment de trahir une famille à laquelle il croit tout devoir, de quitter l’unique monde qu’il a connu et qui, bien malheureusement, l’a forgé. Malgré des séquences d’une violence insoutenable, un racisme omniprésent dans les propos des personnages et le fait qu’on ne peut en rien cautionner les actions qu’on les voit faire, on comprend parfaitement le dilemme de Babs, les raisons qui le poussent à rester, car on peut pour notre part les apparenter au cercle familial, aux mauvaises influences que chacun·e a pu avoir et qu’il est toujours difficile de quitter. Cette colère intérieure face aux choix radicaux à emprunter, Jamie Bell, méconnaissable, l’interprète à merveille. Si le casting n’a rien à lui envier (on remarque notamment Vera Farmiga et Bill Camp, impeccables en chef·fe·s suprémacistes), l’acteur porte le film sur ses épaules, et est habité à chacune de ses scènes.
Plus on en découvre sur les agissements des groupuscules, plus on est oppressé. Le film étouffe à mesure que la tension monte et que l’on sent que l’espoir du héros se réduit à néant. La relation amoureuse est le brin de souffle qui arrive à apporter la nuance, nous permettant de ne pas suffoquer face au déferlement constant. Skin est un film difficile à aborder, difficile à supporter, mais essentiel à regarder. Son constat est celui d’une réalité dure, inadmissible, que Guy Nattiv a su retranscrire avec une malheureuse justesse.
Skin de Guy Nattiv. Avec Jamie Bell, Bill Camp, Vera Farminga… 2h
Sortie prochaine
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