[CRITIQUE] Thor : Love & Thunder : Sans éclair ni génie

Après avoir déconstruit l’image du héros asgardien dans Thor : Ragnarok, Taika Waititi revient à la réalisation avec Love & Thunder. Le réalisateur néo-zélandais, co-scénariste cette fois-ci également, hérite de la lourde tâche de responsabiliser de nouveau le Dieu du tonnerre, un exercice raté dans la forme et le fond.

Après avoir vaincu Thanos avec les Avengers, Thor embarque au côté des Gardiens de la Galaxie avec son acolyte Korg. Très vite, leurs chemins se séparent et le Dieu du Tonnerre sent qu’il doit rentrer à New Asgard et retrouver les siens car une menace approche… En effet, Gorr, un homme qui vient de perdre sa fille, se saisit de la nécro-lame et se jure de tuer tou·tes les Dieux et Déesses, celleux qui n’ont rien pu (voulu) faire pour sauver sa fille. Thor et Korg s’allient à Valkyrie et à Jane Foster, l’ancienne petite amie de l’asgardien, qui a pu réassembler et maîtriser le pouvoir de son marteau Mjolnir, pour vaincre le Massacreur des Dieux.

Face à un postulat de base assez simple (et très répétitif dans le MCU) d’un héros qui, après une déconvenue, redevient le sauveur, Taika Waititi ne fait aucun choix de registre pendant plus d’une heure. L’histoire est aussi tragique que comique mais à aucun moment la mise en scène et l’écriture ne sait où et quand dramatiser certaines situations. L’humour est une marque de fabrique chez Marvel, elle sert le propos et la déconstruction de la statue du héros (notamment dans Ragnarok) ou peut pousser le/la spectateur·ice jusqu’à la nausée et la lassitude. Ici, chaque scène dramatique ou à enjeu, est enrayée par un, deux, trois gags ! À ce niveau, nous pouvons clairement questionner la volonté du réalisateur à vouloir nous raconter une histoire ou remettre totalement en question l’opinion qu’il peut avoir des spectateur·ices. Comme s’il était interdit d’avoir un moment tendre ou sérieux sans un désamorçage de blagues en tous genres !

Cet humour omniprésent occulte le reste jusqu’au dernier tiers du film et aucun personnage ne semble en mesure de relever le niveau. Chris Hemsworth incarne un Thor qui n’a plus rien à nous dire depuis Avengers : Endgame et cabotine plus qu’autre chose, Nathalie Portman revient en version féminine de Thor sans que l’on ne comprenne comment ni pourquoi et Christian Bale incarne un Massacreur de Dieux qui ne massacre personne. Il serait malhonnête de mettre Bale au même plan des autres car il porte toute la dimension dramatique sur certaines scènes par son investissement. Tout l’inverse de Thor, écrit dans son origin story comme un héros sûr de lui, à l’orgueil certain et… aucun changement depuis. La mise en scène tente de nous faire croire à une évolution mais personne n’est dupe, pas même Waititi d’ailleurs, qui semble expédier le parcours de son personnage principal en quelques minutes d’ouverture.

Crédit photo : Disney

Lors de son dernier tiers, le récit semble prendre un virage intéressant sur la notion de ce qui fait un héros. Thor et ses acolytes se rendent sur l’Olympe, la demeure des dieux. Accueilli dans une arène, iels viennent demander de l’aide au puissant Zeus pour vaincre Gorr. La mise en scène retrouve une distance avec l’humour des personnages et c’est là que Taika Waititi semble proche de toucher un point important : le rôle des dieux·déesses, celui de protéger les mortel·les en allant au-delà de leurs simples statuts d’immortalité et d’entre-soi. Il pourrait embrasser le point de vue du méchant Gorr : celui de remettre en cause l’existence des dieux·déesses à cause de leur inaction. Thor devient également plus profond sur cette scène, arguant les divinités autour de lui de se réveiller et d’agir, mais (comme trop souvent) cette louable intention se retrouve compactée entre plusieurs surdoses d’humour qui vont la noyer. Une situation intéressante devient une idée inexploitée.

S’il essaye par moments de questionner la notion de ce qui est héroïque et divin (toujours par l’intermédiaire de Gorr), Waititi se perd dans son univers spatial désincarné. Il avait su, dans Ragnarok, garder une trame narrative crédible en s’appuyant beaucoup sur les seconds rôles pour faire avancer son propos, là où celleux dans Love & Thunder ne sont uniquement que des ressorts comiques. Seul le propos du méchant trouve une ouverture dans le néant du scénario. Le dernier tiers est encore plus frustrant tant à plusieurs moments, le rappel aux devoirs des dieux·déesses est proche, l’espoir revient tour à tour dans les mains des héros et dans les yeux des spectateur·ices. En vain. Comme s’il était impossible d’imaginer un héros chuter voire sombrer pour Waititi, son héros se retrouvant tout neuf après chaque aventure (il perd un œil mais en retrouve un, il prend du poids, le perd aussitôt…). Ce manque d’humanité dans l’approche de son personnage édulcore les scènes d’action et ne laisse pas le doute s’installer chez le/la spectateur·ice. En fait, et si c’était Taika Waititi le massacreur des dieux ?  

Thor :Love & Thunder de Taika Waititi. Écrit par Jennifer Kaytin Robinson et Taika Waititi. Avec Chris Hemsworth, Natalie Portman, Christian Bale…1h59

Sortie au cinéma le 13 juillet 2022.

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