Le cinéma a tendance à caresser le spectateur dans le sens du poil : entendez ici un film qui, même lorsqu’il sombre dans un profond désespoir, renaît de ses cendres pour y délivrer un message optimiste pour réchauffer les cœurs des spectateurs. Après tout le cinéma est là pour nous faire rêver. Le réalisateur Lorcan Finnegan prend le contre-pied absolu avec son premier long-métrage Vivarium ou comment mettre en scène la standardisation d’une vie à l’issue indéniablement fatale – bien que logique -. Déprimant vous avez dit ? Ce n’est que le début.
Comme tout couple nageant en plein bonheur, Tom et Gemma sont à la recherche de leur petit nid douillet. Nous voilà donc en compagnie de ce gentil couple qui débarque dans une agence immobilière qui sent bon le piège : tout est carré, clean, aseptisé, le discours de l’agent immobilier récité à la virgule près… mais qu’à cela ne tienne, Gemma et Tom partent donc visiter cette fameuse maison “idéale” (incroyablement argument de vente de 99,9% des agents immobiliers). Une fois arrivés dans ce lotissement, ils comprennent rapidement qu’ils viennent de mettre les pieds dans un engrenage bien plus fort qu’eux.
Il était une fois… la vie
Qu’est-ce que la vie ? Vaste question qui soulève un bien long débat. Lorcan Finnegan en a son idée bien faite, réaliste et peut-être dure à entendre tant elle se résume assez simplement : on naît, on vit, on élève des enfants qui nous enterrent pour ainsi continuer le cycle de la vie. Résumé est assez simpliste mais à bien y regarder, nous suivons tous ce même chemin. Peut-être par des détours, des routes plus sinueuses ou plus calmes mais le résultat est toujours le même : nous finissons tous par mourir et nous passons notre vie à creuser notre future tombe. Tous les éléments ici nous sont donnés pour nous faire comprendre que le couple est dans un engrenage infernal dont ils ne pourront jamais sortir. L’issue fatale nous est d’ores et déjà dessinée, toutes ces maisons si bien alignées jusqu’à n’en plus finir tel un cimetière où le foyer qu’on a tant voulu devient notre tombe. Pourtant, le réalisateur continue à nous surprendre à bien des égards puisqu’il évite toutes les facilités du genre et se sert intelligemment du fantastique pour narrer sa fable sans qu’elle devienne moralisatrice.
Ici le fantastique sert à accentuer la standardisation de la société. Voilà le couple dans un dédale de maisons et de rues plus semblables les unes que les autres. Cette volonté commune à tout humain de vouloir quelque chose de parfait crée ici un terrain de jeu pour y instaurer une atmosphère oppressante et austère. Pas un bruit, des nuages parfaits, un soleil de plomb, de la nourriture parfaitement empaquetée dans du plastique et distribuées régulièrement au couple par colis, même un enfant qui arrive par colis, n’est-ce pas incroyable ? Modernité poussée à son paroxysme, celui de tout avoir de manière immédiate au pas de sa porte si bien que cet enfant grandit aussi vite que le malaise s’installe dans le film. Il est vrai qu’avoir un enfant faisant la carrure d’un gosse de 8 ans à seulement 98 jours est assez déstabilisant, surtout lorsqu’il devient le point de rupture du couple une fois passé le stade bébé. L’une l’élève à s’en user la santé tandis que son compagnon s’isole dehors, persuadé que s’il creuse assez profondément, il trouvera un moyen de sortir de là.

Évidemment, Vivarium et son message sur l’aseptisation de la société est un merveilleux point de départ pour y développer une mise-en-scène chirurgicale, précise, froide et incisive. Dans ce dédale aux couleurs bleutées et désaturées, Lorcan Finnegan dessine un avenir plein de pessimisme et paradoxalement totalement réaliste. On naît, on tombe amoureux, on cherche un toit, on fait des enfants, on les élève, on vieillit, on se fatigue et c’est à la nouvelle génération de prendre la relève. Un constat aussi simple qu’il fait réfléchir. Si tout ceci n’est voué qu’à l’échec, que faut-il faire pour être heureux ? Le film ne nous donne pas de réponse, à nous probablement de les trouver mais il est certain que le bonheur ne se trouve pas dans la normalisation et la standardisation d’une vie où le pratique et le beau prend le dessus sur le spontané et le naturel.
Toute cette farce horrifique et satirique ne serait cependant rien sans le duo Jesse Eisenberg et Imogen Poots qui porte le film à bout de bras dans des interprétations diamétralement opposées entre un jeune homme souriant perdant peu à peu sa joie de vivre et une jeune femme qui tente de s’accrocher malgré tout au peu de choses qu’il lui reste. L’occasion n’est d’ailleurs que trop belle pour rappeler tout le talent d’Imogen Poots que nous avions notamment découvert dans Mobile Homes et qui confirme ses choix artistiques audacieux.
Vivarium n’invente rien dans son genre (des séries comme Black Mirror ont déjà marché sur ces traces) mais le film reste un objet filmique aussi intéressant qu’anxiogène dans son observation de la société actuelle absolument terrifiante de par son réalisme qui nous est projeté au visage pendant plus d’une heure et demie.
Vivarium de Lorcan Finnegan. Avec Jesse Eisenberg, Imogen Poots, Eanna Hardwicke… 1h37
Sortie le 11 mars
[…] sa présence sur Terre est une source inépuisable pour le cinéma. On l’a vu récemment avec Vivarium où il était question de cycles de la vie. Après treize ans d’absence de la réalisation […]