Parler d’amour est une essence du cinéma, qu’importent les années. Les représentations amoureuses évoluent comme pour rappeler qu’il n’y a pas qu’une façon d’aimer ou de le montrer, tordant un peu le cou au schéma classique de la comédie romantique. Si certaines continuent d’enchanter les après-midi des chaînes de télé pendant la période de Noël avec cette structure, d’autres tentent de prendre le pouls de leur époque, comme le Syndrome des amours passées, pour questionner le rapport à la parentalité ou au passé, individuel ou collectif, d’un couple.
Rémy et Sandra n’arrivent pas à avoir d’enfant car ils sont atteints du “Syndrome des Amours Passées”. Pour guérir, il n’y a qu’une seule solution : iels doivent recoucher une fois avec tou·tes leurs ex.
Après Une vie démente en 2021, Ann Sirot et Raphaël Balboni continuent de travailler sur la notion de couple à différentes échelles. Si leur premier film parle aussi bien d’une volonté de parentalité que du rapport entre différents membres d’une même famille (dont l’un est atteint par la maladie), celui-ci traite exclusivement de la notion de maternité et de paternité au prix du « quoi qu’il en coûte ». Dès le départ, Rémy et Sandra semblent un couple installé depuis longtemps avec l’envie d’avoir un·e enfant, une volonté qui tarde à se réaliser. Dans leurs croyances, iels sont prêt·es à croire à ce « Syndrome des amours passées » que ce professeur en université leur annonce devoir dépasser. Dès ce moment, les cinéastes touchent un point intéressant : la notion de croyance et d’irrationalité pour arriver à nos fins. Iels le font de manière sensible et touchantes car, passé la surprise de la demande, le couple s’active à retrouver toutes celleux avec qui iels ont fait l’amour assez naturellement.
Les cinéastes parviennent à déjouer le côté absurde des différentes situations pour que le comique touche la banalité, la normalité des actions, comme lorsque Rémy s’étonne de n’avoir que trois ex contrairement à Sandra (à la liste beaucoup plus longue) ou le running gag de l’aventure de Rémy avec cette jeune capverdienne avec qui il ne s’est rien passé. Sandra est présentée comme plus libre de regarder son passé en face et de ne pas le cacher alors que Rémy met bien plus de temps à être sincère dans ses gestes ou paroles. Il se libère lorsqu’elle le lui permet, comme s’il ne se sentait pas libre d’agir comme il le souhaite à cause de son passé qu’il juge « trop sage ». Leurs trajectoires se rejoignent lorsqu’il prend cette liberté comme une façon de rattraper le temps perdu tel un·e adolescent·e à qui on aurait laissé la porte d’entrée ouverte. Esthétiquement, Ann Sirot et Raphaël Balboni font de la nudité un principe du couple, les deux personnages sont souvent nu·es, toutes les scènes de sexe relèvent d’ailleurs plus de la métaphore, où les acteur·ices se retrouvent dans des costumes (avec des masques d’animaux, en astronaute…) à se frôler dans un cadre et une lumière qui renvoient plutôt à l’idée d’un fantasme que d’un acte sexuel. C’est là où l’impudeur des personnages (qui racontent tout face caméra, se baladent nus…) rencontre la pudeur de la mise en scène, qui malgré son sujet garde une certaine réserve pour éviter tout voyeurisme.
Tout n’est pas parfait, certaines parties semblent un peu artificielles, mais le Syndrome des amours passées arrive à provoquer le rire (parfois franc, parfois de gêne) pour nous questionner sur la parentalité de ce couple, cette envie forte chez elleux qui passe par le regard des autres. Si le personnage de Sandra semble être le plus stable émotionnellement, le/la spectateur·ice avance dans le récit avec Rémy, plus réticent et moins sincère dans l’idée de reconquérir ses ex pour une nuit. Les deux personnages se rejoignent au moment d’une décision, dans un film où le choix appartient aux autres la plupart du temps. Rémy rejoint Sandra sur la notion empirique du choix de regarder devant et d’arrêter de regretter des (in)actions passées car choisir, c’est (déjà) renoncer.
Le Syndrome des amours passées écrit et réalisé par Ann Sirot et Raphaël Balboni. Avec Lucie Debay, Lazare Gousseau… 1h29