[CRITIQUE] La Nouvelle Femme : La méthode Montessori

Présenté en ouverture du Festival du Film de Sarlat, le nouveau long-métrage de Léa Todorov résonne tout particulièrement au coeur de cette année cinématographique. Présenter un drame historique réalisé par une cinéaste habituée au documentaire dont c’est ici la première fiction fait écho avec la volonté du CNC d’avoir placé l’année 2023 sous le signe du film documentaire. De son passé de documentariste, Léa Todorov en a gardé un savoir-faire distinctif qu’elle se plaît à intégrer. 

Dans La Nouvelle Femme, la réalisatrice raconte l’histoire de Maria Montessori, figure importante de la médecine moderne, avec la particularité d’utiliser comme point d’entrée et fil principal le personnage fictif de Lili d’Alengy. Au début du XXe siècle, cette célèbre courtisane parisienne cache sa fille Tina, présentant une déficience intellectuelle, jusqu’à fuir temporairement Paris pour se rendre à Rome et l’y interner dans un institut spécialisé, afin de revenir dans la capitale française la réputation intacte. Maria Montessori, médecin co-directrice de l’établissement en question, devient son interlocutrice privilégiée mais également celle de sa fille Tina. 

Le fait de ne pas frontalement dresser le portrait de la médecin qui donne par la suite son nom à la “méthode Montessori”, pédagogie qui consiste à fournir un environnement favorable au développement du potentiel inné de chaque enfant, est un choix fort de la part de Todorov. Le même choix de mise en scène avait été bien moins réussi de la part de Claire Simon, elle aussi provenant du monde du documentaire, lorsqu’elle avait pris le point de vue de la journaliste afin de dresser le portrait de Yann Andréa dans Vous ne désirez que moi. Swann Arlaud y interprète le personnage cible du récit, personnage que nous abandonnons trop souvent, forcé à suivre le parcours de la journaliste Michèle Maceaux. À l’opposé, ce qui semble bien plus fonctionnel dans le récit de Todorov vient très certainement du fait que Leïla Bekhti, coqueluche du public français depuis son rôle d’Alexandra dans les séries La Flamme et Le Flambeau, est l’interprète du personnage qui invite le spectateur à véritablement entrer dans le film. Plus qu’un simple argument capable d’amener le public en salle, la présence de Leïla Bekhti apporte également une énergie et une fraîcheur folle à un film qui, de part son contexte historique et son sujet touchant, aurait pu rapidement tomber dans certaines lourdeurs. 

Prenant place majoritairement en Italie, le récit omet intelligemment tout ce qui pourrait concerner un quelconque choc des cultures afin de se focaliser sur l’essentiel : la relation entre des mères et des enfants dont l’handicap apparaît comme une barrière aux yeux de la société. Maria Montessori elle-même, malgré son travail auprès de ce même public, se voit dans l’obligation de cacher son fils handicapé pour ne pas entacher sa carrière, mais surtout celle de son mari co-directeur de son établissement. Outre la thématique du handicap, apparaît très rapidement dans le film celle de la volonté de ces femmes à exercer leur travail et à vivre leur quotidien en dehors de la considération des hommes. 

Dans un style cinématographique au plus proche du naturel, emprunté à son parcours de documentariste, Léa Todorov limite tous mouvements de caméra superflus afin de se concentrer sur l’essentiel : capter l’émotion que suscite son récit (la cinéaste en ayant signé le scénario). À aucun moment celle-ci ne semble cependant se priver, la composition de cadres simples mais travaillés soulignant le plaisir que la cinéaste a eu à les élaborer. C’est tout particulièrement le cas dans la séquence où, au piano, Lili d’Alengy fait danser les enfants de l’institut. La cinéaste y alterne des plans larges montrant une foule heureuse de danser et des gros plans soulignant individuellement l’expiatoire que représente ce moment de détente et de considération leur étant offert à de trop rares occasions. 

En mettant l’accent sur son approche sociale réussie de thématiques toujours d’actualités (l’intégration des personnes en situation de handicap ou la différence de considération entre un homme et une femme occupant le même poste) plus que sur son interêt historique, La Nouvelle Femme suprend et se révélera être une des suprises de ce premier tiers de l’année 2024 !

La Nouvelle Femme de Léa Todorov. Avec Leïla Bekhti, Jasmine Trinca…1h39
Sortie le 13 mars 2024

Présenté en ouverture du festival de Sarlat 2023

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