[CRITIQUE] Halloween Kills : gonz’horror

Suite du revival/reboot/remake/sequel (on se perd avec tous ces anglicismes insupportables) de la franchise Halloween de 2018, Halloween Kills s’inscrit comme un hommage décadent et régressif de son genre. Une sorte d’ovni foutraque et indigent, qui décèle pourtant de jolis moments jubilatoires, permettant à David Gordon Green de s’amuser et de nous régaler.

Exit le sérieux du précédent opus, place au fun et à l’outrance. Si l’intrigue reprend exactement là où nous l’avions quittée, le style, lui, fait un grand écart. Rapidement, des flash-backs surviennent pour gonfler la mythologie Halloween, donner de l’importance à des individus jamais envisagés, et apporter encore plus de profondeur au film de John Carpenter. Cette avalanche d’artifices, questionnable par leur grossièreté, sert l’idée générale qui irradie cette suite – plutôt interlude avant le troisième volet – , placée sous le signe du rétro. Le système hollywoodien, nourri depuis une décennie maintenant de projets revisitant les années 80, ne semble toujours pas rassasié, mais, loin de tomber dans le cynisme mercantile le plus méprisable, Halloween Kills surprend par son jusqu’au-boutisme qui « frise » l’admirable. L’idiotie des répliques et du scénario, mêlée à l’alcoolisme évident du monteur, embrassent pleinement la régression des slashers d’antan, sans concession, et David Gordon Green fait de tout meurtre un événement.

Ryan Green

Michael Myers, censé être vieillot – et potentiellement plus fragile –, reste une machine à tuer imperturbable et invincible, voire pire encore tant il sombre dans une sauvagerie sans précédent ; il est là pour nous offrir le massacre de sa carrière. N’importe quel objet devient une arme entre ses mains, et n’importe quelle personne une potentielle victime ; des enfants au couple noir, aux morts particulièrement réussies – le coup de la portière restera dans les annales –, en passant par le couple homosexuel qui habite son ancienne demeure. Rivalisant d’ingéniosité à chaque homicide, la folie de The Shape et celle de Gordon Green semblent ne faire qu’une, avec une question toujours sous-jacente : comment rendre la brutalité impressionnante sans tomber dans le gore facile ? Cette absence de considération pour ses proies est nourrie en contraste par une vindicte populaire qui est le cœur du récit développé par DGG. Halloween Kills est une chasse à l’homme à deux sens, une quête de vengeance par le sang d’un village contre une figure qui le hante depuis quarante ans.

Là, les choses se gâtent. Si la partie carnage est jouissive, son pendant social peine à convaincre, et finit par désoler. L’union désespérée des quinquas alcoolos d’Haddonfield a beau être pétrie de belles intentions, elle vire vite à la parodie insupportable. Certes, tout fait écho à la dimension rétro régressive, ici détournée pour alimenter une thématique plus universelle – la paranoïa ambiante, le conservatisme aveugle des locaux, ainsi que l’effet de justice populaire, qui sont vivement critiqués –, mais David Gordon Green perd le fil, s’éparpille, au point de vouloir se rattraper dans les dialogues. Malheureusement, hormis des rappels insistants du fameux « Il y a quarante ans… » et des beuglements du slogan « Evil Dies Tonight », difficile de ressentir tout cela. Chaque séquence sans Michael est dénuée d’intérêt par une absence abyssale de mise en scène, de pertinence. Pour exemple, le début, où Tommy résume l’intrigue du film de Carpenter, ressemble à un passage au Roadhouse de Twin Peaks : The Return réalisé par un junkie avec des plans flottants autour de son visage qui laissent perplexe. L’envoûtement ne prend jamais, la tension rarement – la séquence dans la forêt reste ici à sauver, tant elle se démarque par sa pesanteur qui fait hérisser quelques poils, rappelant tout l’amour de Gordon Green pour le maître –, et l’ensemble cède place soit à l’incompréhension et la lassitude, soit à l’hilarité, avec comme pinacle la boucherie de fin saupoudrée de la voix off de Jamie Lee Curtis qui révèle l’absence de propos de l’heure quarante-cinq écoulée.

Ryan Green

Reste une envie intéressante de jouer sur le flou de la nature de Michael, avec un florilège d’interprétations personnelles de l’origine de sa violence, tandis que lui ne semble chercher qu’à rentrer chez lui ; comme un clin d’oeil à l’envie de renouer avec l’essence bourrine du slasher. Ainsi, malgré la volonté d’aller au bout du kitsch – que l’on savoure à chaque apparition –, David Gordon Green fait de son Halloween Kills un (trop) long entremet avant un Halloween Ends qui aura la lourde tache de concilier deux opus radicalement différents dans leur approche du genre. De l’horreur gore qui fait autant plaisir qu’elle laisse de marbre, mais dont la bonne odeur d’hémoglobine macérée rafraîchit les narines et débouche les sinus à l’aube de l’hiver.

Halloween Kills, de David Gordon Green. Avec Jamie Lee Curtis, Anthony Michael Hall, Judy Greer, … (1h45)

Sortie le 20 octobre 2021.

3 Commantaire
  • 13/01/2022 at 15:46

    […] de trauma inscrit dans la communauté et la famille avec plus (l’opus de 2018) ou moins (Halloween Kills) de réussite. En ce sens, on peut se poser la question du traitement de certains personnages […]

  • […] d’un pays en proie à la violence quotidienne (propos qui se déploie dans sa suite Halloween Kills). Pour Laurie, le temps a passé, sa famille s’est décomposée et elle vit désormais […]

  • […] l’original dans sa première itération, elle aura au moins le plaisir d’apporter un Halloween kills plein de décomplexion et qui assume le caractère “idiot” du récit, mais ne brille […]

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