Il est indéniable que l’industrie cinématographique est en pleine période de changements : des femmes de plus en plus visibles devant et derrière la caméra, des minorités de plus en plus représentées… Et Port Authority fait figure de proue cette année. Présenté à Cannes dans la catégorie Un Certain Regard, il a fait sensation grâce à sa comédienne principale Leyna Bloom, première actrice transcende noire à fouler le prestigieux tapis rouge cannois. Un premier pas remarqué et maîtrisé à une période où il est plus que temps de changer les mentalités.
Paul est un jeune homme blanc un peu paumé dans cette ville qu’est New-York mais aussi un peu paumé dans sa vie. De son côté, Wye est une mystérieuse jeune femme adepte du voguing au cœur d’Harlem avec sa famille de danseurs noirs et queers. C’est une histoire d’amour entre deux personnages dont la société pense que tout oppose alors qu’ils sont complémentaires. C’est une histoire d’acceptation de l’autre mais aussi d’acceptation de soi-même.
Paul arrive en pleine nuit dans une gare à la recherche de sa demie-soeur qui ne viendra jamais le chercher, qui refusera même de l’accueillir chez elle. Le visage frêle et teinté d’innocence quasiment torturé, Paul parvient à se trouver un toit dans un New York qui dès le premier soir lui semble austère, et où il se retrouve accueilli par un vagabond. En contrepartie, il l’aide en faisant des déménagements et expulsions de familles. Un soir, il fait la rencontre de Wye et c’est l’alchimie immédiate. Il découvre le voguing, les ballrooms et il apprend surtout que Wye est transsexuelle.
À partir de ce moment-là, on pourrait penser que le film se concentre dès lors sur Wye, sa transsexualité, mais il n’en est rien. La sexualité, le genre… ne sont pas des choses qui définissent une personne, et sa transsexualité n’est mentionnée qu’une fois dans le film. Elle n’est pas considérée comme un obstacle pour Wye qui l’accepte et l’assume totalement ni pour Paul qui continue de l’aimer. Là où leur histoire d’amour risque de flancher, c’est lorsque Paul se met à mentir sur sa situation en prétextant vivre chez sa demie-soeur. Un besoin d’appartenir à une famille qu’il n’a pas contrairement à Wye que son entourage protège.
Danielle Lessovitz prend le contrepied habituel de ce genre de romance où la femme se construit grâce à sa relation avec un homme en inversant tout simplement les rôles. Le film se concentre peu sur Wye et préfère suivre Paul dans cette errance pour qu’au fil des rencontres il s’accepte enfin tel qu’il et pour pouvoir enfin avancer et trouver une famille dans laquelle il sera accepté. La réalisatrice capte à merveille la folie de ces nuits avec ses néons, sa musique, cette euphorie communicative et son duo formidable. Fionn Whitehead semble parfait pour ce rôle dont le charisme presque fragile rend le personnage intéressant? Mais c’est bel et bien Leyna Bloom qui capte toute l’attention de la caméra. Première femme transgenre noire à tenir un premier rôle dans un film, Leyna Bloom brille par sa performance, sa simplicité et sa beauté charnelle qui nous empêche de la lâcher des yeux. Une mise en avant intelligente qui ne joue par sur le sensationnalisme d’une femme transgenre mais qui nous montre qu’il y a bel et bien une place pour ces personnes et qu’elles aussi doivent être représentées à l’image.
Solaire et éblouissant, Port Authority signe un très beau pas en avant pour la représentation des minorités. Le film va à l’essentiel sans fioritures mais avec une véritable énergie et une actrice principale qui nous appelle à l’aimer, à l’admirer telle une sirène.
Port Authority de Danielle Lessovitz. Avec Fionn Withehead, Leyna Bloom, McCaul Lombardi… 1h42
Sortie le 25 septembre